AIRBUS: Renationalisation sans indemnités sous le contrôle des salariés
Par Jean-Michel Audoin
La presse « économique » s’empresse de reprendre tous les arguments de la direction d’EADS. Pourtant, aucun d’eux ne tient vraiment la route :
– La parité euro-dollar tuerait l’entreprise. Dans les locaux d’Airbus, la direction a fait placarder des affiches disant « Quand le dollar baisse de 10 centimes, Airbus perd 1 milliard d’euros ». Sauf que des processus financiers existent pour en atténuer les effets (les « couvertures de change ») et que toute perte à l’exportation se trouve compensée par un gain similaire… à l’importation : en clair, une société comme Total, qui achète son pétrole en dollars (pas cher) et le revend en euros (cher). Les gains des uns pourraient facilement équilibrer les pertes des autres. Mais cela suppose la présence d’un État qui assure ce transfert…
– La « gouvernance » franco-allemande. Nos chefs respectifs ne s’entendent pas, c’est pour cela que l’A380 serait à la traîne et menacerait la vie de l’entreprise. Nous sommes contents d’apprendre que les salariés ne sont en rien responsables de la situation, et demandons donc immédiatement un plan de suppression d’emplois chez nos (très) chers directeurs. Plus sérieusement, lorsque Airbus était encore une entreprise nationalisée, elle fonctionnait en coopération avec ses homologues anglais et allemands. Cette « gouvernance à trois » a duré des décennies sans gros problème.
– Les besoins de « cash » pour lancer un nouveau programme d’avions. Pourtant, une simple opération suffit : 4,2 milliards d’euros (trésorerie) + 2,75 donnés à BAE + 2 à Lagardère + 2 à Daimler Chrysler = près de 11 milliards (le trou de la Sécu !) d’argent public ou issu du travail des salariés, dans les poches des actionnaires : largement de quoi financer plusieurs programmes d’avions nouveaux.
– Les « retards » de l’A380 entraînant une perte de recettes pour l’avionneur. Quel cynisme. Ce sont ces mêmes actionnaires qui ont accentué les cadences de travail, les horaires de nuit, les heures sup, pour gagner 2 années sur le planning initial… et augmenter la rentabilité de l’entreprise. Le retard sera de 2 années ! Finalement, le projet sera bouclé dans le planning initial.
Changer de cap
Le problème d’Airbus, ce n’est ni le marché, ni les commandes, ni les perspectives industrielles. Le seul problème d’Airbus, c’est sa privatisation, qui a transformé un projet industriel, bâti sur des décennies d’investissements publics, en un projet purement financier où le dogme est la rentabilité à 2 chiffres pour les actionnaires, où les intérêts immédiats d’investisseurs privés passent avant les besoins de l’entreprise, de ses salariés, des sous-traitants. D’ailleurs, l’affaire est juteuse et de très nombreux investisseurs privés sont dans les starting-blocks pour prendre une part du gâteau.
Le plan « Power 8 » de licenciements ne sera malheureusement que le premier d’une longue série. Si Airbus veut se calquer sur le modèle de Boeing, alors ce seront 90 % des emplois industriels qui seront délocalisés. Bonjour la catastrophe ! Avec trois pénalités supplémentaires : Boeing travaille à 70 % pour
l’État américain (militaire, NASA, satellites) et il n’y a pas d’État européen ; contrairement à son concurrent, Airbus ne maîtrise pas la monnaie et enfin, pour Toulouse, la ville, l’agglo, la région sont « mono-industrie », ce qui n’est pas le cas pour Seattle, la ville-Boeing, qui est aussi la patrie… de Microsoft. De quoi atténuer, chez eux, la casse sociale.
La renationalisation de la partie française de l’entreprise n’est pas un dogme, mais une nécessité. Nous l’avons tous payée avec nos impôts, notre travail, nos vies. Et il n’est pas question de débourser un centime supplémentaire pour les requins de la finance, mouillés dans de grosses affaires de corruption ou de délits d’initiés, qui « dirigent » l’entreprise.
Unanimes
Tout le personnel d’Airbus, tous les sous-traitants internes de l’entreprise ont unanimement débrayé (dans certains secteurs, le taux de grévistes a atteint près de… 100 %) pour refuser le plan « Power 8 » qui se solde par la vente ou la fermeture d’usines et 10000 suppressions d’emplois en Europe, et probablement le double dans la sous-traitance, via les délocalisations vers les pays à faible coût de main d’œuvre (voir article sur Hambourg et encadré sur Blagnac page 7).
La presse « économique » s’empresse de reprendre tous les arguments de la direction d’EADS. Pourtant, aucun d’eux ne tient vraiment la route :
– La parité euro-dollar tuerait l’entreprise. Dans les locaux d’Airbus, la direction a fait placarder des affiches disant « Quand le dollar baisse de 10 centimes, Airbus perd 1 milliard d’euros ». Sauf que des processus financiers existent pour en atténuer les effets (les « couvertures de change ») et que toute perte à l’exportation se trouve compensée par un gain similaire… à l’importation : en clair, une société comme Total, qui achète son pétrole en dollars (pas cher) et le revend en euros (cher). Les gains des uns pourraient facilement équilibrer les pertes des autres. Mais cela suppose la présence d’un État qui assure ce transfert…
– La « gouvernance » franco-allemande. Nos chefs respectifs ne s’entendent pas, c’est pour cela que l’A380 serait à la traîne et menacerait la vie de l’entreprise. Nous sommes contents d’apprendre que les salariés ne sont en rien responsables de la situation, et demandons donc immédiatement un plan de suppression d’emplois chez nos (très) chers directeurs. Plus sérieusement, lorsque Airbus était encore une entreprise nationalisée, elle fonctionnait en coopération avec ses homologues anglais et allemands. Cette « gouvernance à trois » a duré des décennies sans gros problème.
– Les besoins de « cash » pour lancer un nouveau programme d’avions. Pourtant, une simple opération suffit : 4,2 milliards d’euros (trésorerie) + 2,75 donnés à BAE + 2 à Lagardère + 2 à Daimler Chrysler = près de 11 milliards (le trou de la Sécu !) d’argent public ou issu du travail des salariés, dans les poches des actionnaires : largement de quoi financer plusieurs programmes d’avions nouveaux.
– Les « retards » de l’A380 entraînant une perte de recettes pour l’avionneur. Quel cynisme. Ce sont ces mêmes actionnaires qui ont accentué les cadences de travail, les horaires de nuit, les heures sup, pour gagner 2 années sur le planning initial… et augmenter la rentabilité de l’entreprise. Le retard sera de 2 années ! Finalement, le projet sera bouclé dans le planning initial.
Changer de cap
Le problème d’Airbus, ce n’est ni le marché, ni les commandes, ni les perspectives industrielles. Le seul problème d’Airbus, c’est sa privatisation, qui a transformé un projet industriel, bâti sur des décennies d’investissements publics, en un projet purement financier où le dogme est la rentabilité à 2 chiffres pour les actionnaires, où les intérêts immédiats d’investisseurs privés passent avant les besoins de l’entreprise, de ses salariés, des sous-traitants. D’ailleurs, l’affaire est juteuse et de très nombreux investisseurs privés sont dans les starting-blocks pour prendre une part du gâteau.
Le plan « Power 8 » de licenciements ne sera malheureusement que le premier d’une longue série. Si Airbus veut se calquer sur le modèle de Boeing, alors ce seront 90 % des emplois industriels qui seront délocalisés. Bonjour la catastrophe ! Avec trois pénalités supplémentaires : Boeing travaille à 70 % pour
l’État américain (militaire, NASA, satellites) et il n’y a pas d’État européen ; contrairement à son concurrent, Airbus ne maîtrise pas la monnaie et enfin, pour Toulouse, la ville, l’agglo, la région sont « mono-industrie », ce qui n’est pas le cas pour Seattle, la ville-Boeing, qui est aussi la patrie… de Microsoft. De quoi atténuer, chez eux, la casse sociale.
La renationalisation de la partie française de l’entreprise n’est pas un dogme, mais une nécessité. Nous l’avons tous payée avec nos impôts, notre travail, nos vies. Et il n’est pas question de débourser un centime supplémentaire pour les requins de la finance, mouillés dans de grosses affaires de corruption ou de délits d’initiés, qui « dirigent » l’entreprise.
Unanimes
Tout le personnel d’Airbus, tous les sous-traitants internes de l’entreprise ont unanimement débrayé (dans certains secteurs, le taux de grévistes a atteint près de… 100 %) pour refuser le plan « Power 8 » qui se solde par la vente ou la fermeture d’usines et 10000 suppressions d’emplois en Europe, et probablement le double dans la sous-traitance, via les délocalisations vers les pays à faible coût de main d’œuvre (voir article sur Hambourg et encadré sur Blagnac page 7).
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