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«REDACTED» («REVU ET CORRIGÉ») / BRIAN DE PALMA

Une rature jamais n’abolira l’horreur Honni, boycotté, menacé par les « faucons» américains, pour qui l’Irak est une terre de croisade contre l’axe du Mal et de défense armée de la démocratie néolibérale, ce film de Brian De Palma est un film anti-guerre radical. Redoutable machination cinématographique, il a pourtant la force de dénonciation du cinéma « direct ».


Sans cesse, le film, chronique de l’été 2006, parle de lui-même comme s’il se faisait là, devant nous. Il se compose d’éléments divers tournés en caméra numérique : journal d’un soldat américain, fragments d’un documentaire français, reportages de l’équipe d’une TV irakienne, sites internet (celui d’Al Qaida, entre autres), caméras de surveillance, webcams…

La présence des caméras est permanente, multiple et parfois en miroir : on se filme en train de filmer, on se met soi-même en scène, on adresse au spectateur des regards gênants. Mais tous ces documents mis bout à bout sont des faux : ils ont été refaits, à partir de documents réels, ou inspirés par eux.

Le terme « redacted » désigne le « caviardage » des textes et des images par la censure. Par effet de double sens, il désigne aussi ces fragments de films «revus et corrigés» : le vrai vient du faux. Dès le début du générique, le titre lui-même est l’anagramme partielle d’un message initial peu à peu raturé : «toute ressemblance avec des événements ou des personnages réels… etc.»; le programme est donné.

Globalement, le film est le remake d’un autre film anti-guerre de Palma : Outrages (1989), sur la guerre du Vietnam : «L’incident sur lequel est basé Redacted… m’a semblé effroyablement proche de celui qui avait fourni la matière d’Outrages : c’est comme si l’histoire se répétait… Je me suis dit : il faut raconter cette histoire, car de toute évidence nous n’avons pas su retenir les leçons des crimes du passé.»1

Quels crimes? Le viol et le meurtre d’une très jeune fille. Quelles leçons? Le refus de participer d’un membre du commando qui dénoncera l’affaire à l’état-major. Les dommages collatéraux ne sont pas l’effet du hasard. C’est ça, la guerre : sanglante, implacablement concrète.
Au bout du compte, les justifications idéologiques ne tiennent plus : il reste des corps à détruire. Que sont ces armes ou ces pénis pénétrant les chairs? Les effets ultimes de la pulsion de mort légalisée, se soumettant la pulsion sexuelle.

Lors de la nuit de l’horreur, les morts-vivants sont à l’oeuvre : dominante verte des caméras à infrarouges, regards phosphorescents aux pupilles blanches.

On atteint les limites du filmable. Le pire est laissé hors champ ou les images s’arrêtent : le soldat qui filme sort, épouvanté… le faux-direct est mis au service d’une éthique cinématographique.
On pourrait dire de l’art, et donc du cinéma, la même chose, toutes proportions gardées, que ce que Clausewitz disait de la guerre : c’est la continuation de la politique par d’autres moyens…

En dénonçant la guerre, De Palma politise son cinéma par les moyens du cinéma lui-même qui construisent le spectateur comme sujet «politique» : trouble incessant du processus d’identification, perturbation de la position de «voyeur » grâce aux « regardscaméra », multiplication des points de vue, des discussions, des jugements, des interpellations…

Qu’ont en commun l’esthétique et la politique? Trois éléments dit Jacques Rancière2 : la position et le mouvement des corps, les fonctions de la parole, les rapports du visible et de l’invisible… Ici : visibilité et invisibilité de l’«ennemi» (présence sporadique : enlèvement, exécution), contraintes absolues exercées sur les corps, parole autoritaire du gradé, parole sexiste des
chambrées, parole libératrice avouant la lâcheté, parole inutilement «réparatrice» de l’autorité militaire.

La séquence finale résume le film, dans l’empathie : vraies photos des morts irakiens aux yeux raturés de noir sur décision des producteurs-censeurs, et photos faites pour le film, sans ratures. La dernière, celle de la jeune victime est bouleversante. Tandis que, avant le silence glacé du générique de fin, s’achève l’extrait de La Tosca, de Puccini : « e lucevan le stelle… », l’assidu lecteur se souvient de l’époque où les étoiles qui brillaient au ciel de Bagdad éclairaient Les Mille et Une Nuits d’une Shéhérazade… qui pourtant, déjà, devait lutter, par la parole, contre la mort.

Bernard Chamayou

Notes
1. «En ligne avec Brian De Palma», Cahiers du
cinéma no 631, février 2008.
2. Jacques Rancière, Le partage du sensible.
Esthétique et politique, La Fabrique, 2000.


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