L’enrôlement des femmes dans la marchandisation libérale
Par Stéphanie Treillet, maîtresse de conférences en économie à l’IUFM Créteil Paris-XII.
Depuis vingt ans, les institutions financières internationales (IFI), notamment la Banque mondiale, ont infléchi leur discours et leurs projets pour prendre en compte la situation des femmes dans les pays du Sud, auparavant totalement ignorée dans les politiques d’ajustement structurel (PAS).
Elles font le lien entre amélioration du statut des femmes, développement et sortie de la pauvreté.
Les femmes doivent voir augmenter leurs possibilités de choix dans la société. Si cette thématique entre en résonance avec les luttes du mouvement féministe à travers le monde, elle est au service d’une entreprise d’adaptation et de modernisation de la doctrine libérale du développement - et des politiques qui vont avec.
En effet, les premières PAS, dans les années quatre-vingt, ont échoué : récessions, augmentation de la misère, parfois menaces d’explosions sociales ; mais aussi une multitude d’initiatives populaires et collectives de survie et de résistance, que les institutions internationales veulent encadrer.
La nouvelle doctrine va donc mettre l’accent sur l’éducation - le « capital humain » dans le jargon libéral -, dans un contexte où une grande partie du système éducatif, notamment secondaire et supérieur, va être marchandisé. Les femmes sont au centre du dispositif car elles sont avant tout envisagées dans leur rôle d’éducatrices, donc productrices de ce capital humain. Avoir moins d’enfants leur permettra de les garder en bonne santé (dans un système de santé lui aussi en partie privatisé…), de les envoyer à l’école et donc d’exercer une activité productive (d’autant plus facilement qu’entre-temps le marché du travail aura été flexibilisé et le temps partiel généralisé).
On voit donc que tout se tient : il ne s’agit pas de garantir un droit inconditionnel à l’éducation, à la santé, à l’emploi, mais de mettre en place une restructuration des services publics et des politiques sociales (quand ils existent) et une déréglementation des marchés du travail. Les politiques sociales ne seront plus universelles mais « ciblées » : assistance aux plus pauvres (notamment les femmes pauvres), assurances privées pour tous les autres.
Quant à l’emploi des femmes, ce n’est pas forcément d’emploi salarié dont il s’agit. Elles sont souvent incitées à se transformer elles-mêmes en petite entreprises, et c’est pourquoi la Banque mondiale fait une promotion active du microcrédit, qui concerne majoritairement les femmes pauvres, et qui malgré des réussites ponctuelles est trop souvent un encadrement du secteur informel, des microentreprises à la survie très précaire, et parfois un facteur supplémentaire de surendettement des plus pauvres, en tout cas pas la panacée qu’on a parfois voulu en faire.
Enfin, les mobilisations des femmes pour la survie quotidienne des communautés sont bien utiles pour pallier le retrait de l’État : garderies, cantines populaires… C’est donc un dispositif qui, s’il révèle les contradictions des classes dominantes, instrumentalise les femmes pour mieux libéraliser l’économie. Seules des luttes sociales collectives, féministes et déterminées peuvent répondre. En toute indépendance.
Tract unitaire du Collectif National pour les Droits des Femmes :
Plus belle la vie pour les femmes ? ? ?
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