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«PARANOID PARK» / GUS VAN SANT

Un train d’images peut en cacher un autre


L’adolescence est le sujet de prédilection de Gus Van Sant; il bouleverse le genre du public school movie (film de lycée) en réduisant les éléments psychologiques et sociologiques, voire politiques, à de simples données (ici la crise familiale, la marginalité et la guerre en Irak, entre autres) pour valoriser les corps, les mouvements, les paysages, les climats… Cela donne à son cinéma ce côté hagard, expérimental, plastique, poétique qui renouvelle notre perception du monde et notre façon de penser.

L’ancien et le nouveau

Ce film est l’histoire d’une thérapie par l’écriture et la parole selon un schéma classique : flash-back/voix off. Le skateur Alex, écrit la longue lettre, aux dimensions d’un bref roman, qui le guérira.

Deux éléments perturbent la simplicité du procédé :
– les images-souvenirs sont doublées d’images-rêves (envols en apesanteur au Paranoid Park, justement…) mais aussi d’images-documents (les contrôles d’identité des skateurs,souvent noirs ou métissés…), ce qui brouille les frontières entre le subjectif et l’objectif : qui a vu? qui se souvient et de quoi?

– la rédaction de la lettre est hésitante et des autocorrections relancent le récit, le complètent, le redoublent de scènes semblables mais filmées différemment : après une première série d’éléments, la main d’Alex, en gros plan, trace, de nouveau les lettres de «PARANOID PARK» comme si le film recommençait pour suivre un autre parcours. La lettre en train de s’écrire, c’est le film en train de se faire, avec des courbes comparables aux évolutions des skateurs…

Ces mélanges permettent à Gus Van Sant de faire des films esthétiquement composites, hétérogènes, fait de pièces et de morceaux disposés à des niveaux différents, parallèles ou complémentaires, en accéléré ou au ralenti. Le film produit ses propres doubles.

Schizoid park…

Cette question des niveaux, Alex la pose clairement : la vie est faite de niveaux différents… elle ne se résume pas à la famille et au lycée… il y a autre chose, ailleurs…

Cet «autre chose», ici, c’est l’accident meurtrier,le corps coupé en deux qui rampe entre les rails, à l’opposé des corps aériens du Paranoid Park voisin; c’est le souvenir refoulé qui revient par l’écriture, la parole, les images et les sons.

Nos vies sont faites de strates, des couches,actuelles ou virtuelles accidentellement révélées, nous dit Gus Van Sant, et le cinéma est par excellence le moyen de construire ces niveaux qui peuvent en cacher d’autres,cet éventail de possibilités variables, cette vision et
cette écoute plurielles d’un monde peut-être multiple lui aussi.

Le film amorce des circuits elliptiques que l’on pourrait compléter sans fin, selon différentes versions de la lettre d’Alex. À propos de douche et d’oiseaux Les différents degrés du film sont encore plus nettement marqués dans la bande-son : genres musicaux variés, chevauchements de morceaux, interruptions, reprises et emprunts… Le lien entre audio et visuel n’est plus immédiat, évident : un écart se creuse.

Lorsqu’on entend la musique de Nino Rota (celle de Juliette des esprits ou de Amarcord, de Fellini…), une porte virtuelle s’ouvre sur d’autres films qui viennent se greffer sur celui ci,avec force,parfois jusqu’à couvrir la voix de l’adolescente en colère avec laquelle Alex vient de rompre : paradoxalement, un moment de cinéma muet fait irruption.

Lors de la scène où Alex se lave de son crime on entend des chants d’oiseaux… alors que le seul oiseau, tardivement montré, est un motif du carrelage de la salle de bains… À un autre niveau, lui aussi, Gus Van Sant pratique des associations libres : scène de douche égale Psychose, Psychose égale Hitchcock, Hitchcock égale Les Oiseaux 1 …

C’est un cinéma de poésie à plusieurs entrées, semblable au fonctionnement des rêves : un élément déplacé se condense avec un autre… que l’on se reconnaît pas tout de suite.
Le cerveau et le corps

Alex ressemble à d’autres adolescents des films de Gus Van Sant (souvenons-nous du jeune Noir écrivain et basketteur de À la rencontre de
Forrester) : il fait travailler à la fois son corps et son cerveau.

Ce qu’il dit de lui nous donne une nouvelle clé du film : «Mon cerveau tourne en rond et mon corps veut fuir…»

Ange déchu, Alex se perd dans une culpabilité qui paralyse son corps; tempête sous un crâne et ligne de fuite impossible…

C’est en inversant la donne qu’il s’en sortira :
– son cerveau va fuir dans la rédaction de la lettre et quitter le labyrinthe,
– son corps va pouvoir retrouver les loopings rêvés du skate.

Dans ses écrits sur le cinéma, le philosophe Gilles Deleuze parle d’un «cinéma des corps» et d’un «cinéma du cerveau» 2 : il semble que Gus Van Sant cherche et trouve le point de rencontre entre les deux…

Leur conjonction, dans Paranoid Park, malgré les têtes de mort sur les T-shirt, est plus optimiste que dans ses films précédents (Gerry, Elephant, Last Days). Soulagé, Alex peut enfin s’endormir en classe… C’est dommage : le cours porte sur les micro et les macro-organismes… les deux infinis, en quelque sorte… tout un programme… de cinéma!

Bernard Chamayou

Notes:
1. Gus Van Sant est l’auteur d’une «reproduction» en couleurs du film de Hitchcock Psychose où l’on entend beaucoup d’oiseaux. Dans Paranoid Park, la scène du train est une réminiscence d’un autre film de Hitchcock, L’Ombre d’un doute.
2. «Donnez-moi donc un corps» (Godard, Cassavetes, Garrel, Doillon…), «Donnez-moi un cerveau» (Kubrick, Resnais…), Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’image-temps, Éditions de Minuit, Paris, 1985.

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