Vérité pour le juge Borrel
Douze ans. De 1995 à 2007. C’est exactement le temps des deux mandats présidentiels de Chirac Jacques, le temps qu’il a fallu à Élisabeth Borrel, veuve du juge Bernard Borrel, assassiné à Djibouti le 19 octobre 1995 alors qu’il y assurait une mission de coopération, et elle-même magistrate à Toulouse, pour qu’enfin l’État français accepte de lever l’omertá de la « raison d’État » qui a couvert ce crime françafricain.
« Déraison d’État » serait un terme plus approprié pour qualifier le mensonge entretenu durant ces longues années par de hauts fonctionnaires du Quai-d’Orsay et des magistrats instructeurs (pas moins de quatre) qui, contre l’évidence, ont colporté la thèse abracadabrantesque du suicide.
On portera au registre des règlements de comptes entre Nicolas Sarkozy et ses « amis de trente ans » de la chiraquie sa décision de lever le « secret défense » des documents diplomatiques, policiers et militaires qui éclaireront l’affaire, ainsi qu’il s’y est engagé quand il a reçu Élisabeth Borrel à l’Élysée début juin, comme il l’a aussi décidé pour une partie de ceux qui éclaireront les complicités de l’État français dans le génocide du Rwanda en 1994. Peu importe. S’il l’a fait, c’est parce que sont accablantes les vérités exhumées par cette femme exemplaire, ses avocats, Laurent de Caunes et Olivier Morice, et ses soutiens, Odile Barral du Syndicat de la magistrature, Yvette Roudy, ancienne ministre socialiste, pour ne citer que ces deux femmes de tête parmi des dizaines d’autres.
Tout cela : l’enquête judiciaire détournée – la « reconstitution » du « suicide » par deux magistrats indignes de leur charge, leur refus d’entendre deux témoins djiboutiens capitaux, officiers de la garde présidentielle, attestant la présomption du crime –, mais aussi la ténacité d’une mère de deux garçons (5 et 8 ans lors du drame) dans l’impossibilité de faire le deuil de leur père, tout cela Élisabeth Borrel l’a publié dans Un juge assassiné (éditions Flammarion, octobre 2006). Nous y renvoyons le lecteur du Piment. Le lire, c’est se tenir aux côtés des Borrel, mère et fils, qui « ne lâcheront rien ». Pour que justice soit rendue.
Pierre Vimont
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire