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Retour sur une grève exemplaire: Six semaines à Citroën

Éric Guérineau est un des 500 grévistes de Citroën à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) qui ont, pendant six semaines, fait grève et popularisé dans toute la région, et au-delà par les médias, leurs trois revendications : 300 euros net pour tous, embauche des 700 intérimaires du site, départ en retraite des salariés de plus de 55 ans. Le groupe PSA ne voulait surtout pas lâcher sur des revendications posant de fait la question d’un autre partage des richesses. Les grévistes ont repris le travail, le 11 avril, fiers d’un combat mené jusqu’aux limites des forces engagées. Éric Guérineau tire le bilan de cette expérience collective.

• Quels ont été les éléments déclencheurs de la grève à Citroën-Aulnay ?

Éric Guérineau - Le succès de la grève à la société Magneto nous a incités à faire de même. Dans cette société de 300 salariés, sous-traitante de Citroën, une grève de six jours a permis d’obtenir 100 euros net d’augmentation salariale, l’embauche de dix intérimaires, l’amélioration du déroulement de carrière et des conditions de travail, le paiement des jours de grève. L’étincelle Magneto s’est produite à Aulnay sur un terreau militant plutôt actif et revendicatif. De plus, on sait maintenant que les grèves refleurissent au printemps (deux mois de grève au printemps 1933, au printemps 1982, en mars 2005, et donc six semaines au printemps 2007).

• D’après toi, quelles sont les conditions qui ont permis qu’une grève de 500 travailleurs dure six semaines et se fasse entendre ?

É. Guérineau - Une partie de la réponse est dans la question... Je m’explique : la popularité de notre mouvement, mesurable par exemple dans les discussions lors des collectes de solidarité, nous a encouragé à continuer. Nous étions le « fer de lance » d’une majorité invisible pour laquelle demander, ce n’était pas trop. Alors, quand ils nous ont vus en lutte pour 300 euros net d’augmentation, pour aucun salaire en dessous de 1 525 euros net, pour l’embauche des intérimaires et le départ à la retraite des plus de 55 ans... vous imaginez !

• Quels ont été les points forts de votre mobilisation ?

É. Guérineau - Nous avons découvert qu’une autre vie, au sein même des liens familiers (usine, ville, rue...) était possible quand on était ensemble. Nous savons maintenant que le malheur n’est pas géographique mais social. Les manifs que nous avons faites pour notre grève (qui était aussi la vôtre), ne ressemblaient pas (d’un point de vue sentimental) aux autres manifs que j’avais pu faire auparavant. En plus d’être offensives, elles étaient joyeuses, non mécaniques, exprimant notre bonne humeur, notre joie et notre attente. La tension entre le côté mécanique d’une manif et sa dérive vers la libération de notre mouvement, nous l’avons vécue le jour de notre manifestation au siège de PSA, avenue de la Grande-Armée. Le retour au métro Charles-de-Gaulle devait se faire, suite à un accord entre les forces de l’ordre et notre service d’ordre, par le chemin le plus court. Mais la fantaisie de la manif nous a conduits à faire un tour d’honneur de l’Arc de Triomphe, bloquant la circulation pour notre plus grand plaisir. Ce tour de l’Arc de Triomphe symbolise, cristallise et, au final, résume le mieux notre mouvement. Nous avons appris à nous déplacer partout collectivement, à prendre les transports à 300, à organiser les casse-croûte et les barbecues. Nous avons montré à PSA, cinquième groupe français, que 500 ouvriers pouvaient lui tenir tête, malgré les pressions, les menaces et les tentatives de nous acheter. Nous avons tenu parce que nous avons discuté ces questions, tous ensemble, jour après jour, au comité de grève et dans les AG, au fur et à mesure que les problèmes se posaient, pour inventer nos réponses. Nous avons tenté d’étendre notre mouvement dans le groupe PSA, dans la région, et nous avons partout fait connaître nos revendications. À défaut de faire tache d’huile, nous avons fait grain de sable.

• À quelles limites vous êtes-vous heurtés ?

É. Guérineau - « Les deux armes les plus redoutables sont le temps et la patience » disait Tolstoï. Nous l’avons appris à nos dépens, car le temps, en pays capitaliste, est convertible en argent, celui-là même pour lequel nous nous sommes battus, celui-là même pour lequel nous avons perdu la bataille. Sur un plan plus philosophique, les limites sont qu’il n’y a pas de limites, il n’y a que des gens qui acceptent les limites. Je pense aux autres travailleurs du groupe, qui ont choisi les limites d’une collaboration avec une direction qui les méprise. L’esprit qui règne en maître dans le groupe PSA est le suivant : PSA offre, paraît-il, des avantages, au vu de l’ensemble des entreprises. Ce qui n’est pas faux, pour certains, ceux-là mêmes qui tiennent ce genre de discours ! Le problème, c’est que la direction le sait, et elle profite de cet état d’esprit pour niveler sa politique salariale vers le bas depuis quelques années. On n’avance pas en faisant la politique du moins pire et, au final, c’est la fatalité qu’on mondialise, bien plus que l’économie dont nous ne voyons jamais la couleur.

• Dans quel état d’esprit la reprise du travail s’est-elle déroulée ?

É. Guérineau - La reprise s’est faite dans un bon esprit, et là encore, c’était une petite victoire. Le fait d’avoir décidé à l’unanimité (vote en assemblée générale) la reprise, au moment où la grève s’affaiblissait en nombre et en moral, fut un choix raisonné, garant d’une solidarité future dont nous savons que nous ne pouvons faire l’économie, surtout face à une direction qui fait la politique du loup : diviser pour mieux croquer. Il y a eu deux manifs avant la reprise pour leur faire comprendre que ce n’était qu’un au revoir, une bataille qui en appelle d’autres. Parfois, pour gagner la guerre, il faut savoir reculer. Cela s’appelle le courage.

• Qu’est-ce que cette grève a changé ? Qu’est-ce qui ne sera plus pareil après ces six semaines ?

É. Guérineau - Ce qui a changé, c’est nous-mêmes. Nous avons changé durablement, les faits eux s’effaceront dans la multitude. Nous nous sommes politisés davantage, pour le plus grand malheur de ceux qui veulent le contraire pour mieux nous contrôler. Nous avons appris que la démocratie, la vraie, c’est dans la rue et pas dans les urnes. Mais nous savons aussi que la politique, c’est du temps, beaucoup de temps, celui-là même que l’on ne peut s’offrir. Du temps pour la politique, c’était le luxe suprême des démocrates grecs. Pour cela, ils avaient leurs esclaves, nos démocrates actuels ont aussi les leurs. En tant que citoyens (maintenant actifs), ces six semaines nous ont donné de l’avance, beaucoup d’avance face à ceux qui reculent. Six semaines, tous ensemble, sur un pied d’égalité avec les forces dominantes de ce pays, ça forge forcément. C’est mieux qu’une seconde tous les cinq ans, seul devant une urne !

Propos recueillis par Cathy Billard

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